Je te vois anxieuse et belle de pâleur (Charles Guérin)

Je te vois anxieuse et belle de pâleur ; 
Le sang fiévreux afflue et palpite à tes tempes. 
Ferme les yeux, prends-moi plus près de toi, sois tendre, 
Et que ma chair se fonde à ta bonne chaleur.

La force du désir gonfle ta gorge en fleur ;
Un sanglot fait mourir tes caresses plus lentes, 
Et le bruit de nos coeurs tombe au fond du silence. 
Mes lèvres à tes cils cherchent le sel des pleurs ;

Un grillon chante, l'âtre est noir, la lampe éteinte. 
Tu m'attires vers toi dans un demi-sommeil 
Et mon baiser t'arrache une amoureuse plainte.

L'heure, comme un ruisseau dans les herbes, s'écoule ; 
Et je rêve d'un seuil accablé de soleil 
Où le fidèle essaim des colombes roucoule.

 

Charles Guérin, 1898, Le Cœur Solitaire



30/08/2011
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